Une pratique inacceptable de secretisation et un héritage de l’ère communiste : la Décision gouvernementale n° 0610/2017 – Une barrière à la transparence et au droit à l’information
L’émission de la décision gouvernementale n° 0610/2017, classée « secret de l’État » au niveau « secret », constitue une manifestation flagrante d’une pratique de secretisation aux racines profondes, héritée de la dictature communiste. Cette décision réglemente directement l’établissement des fonctions par grades militaires et professionnels, les coefficients et les grilles de rémunération pour le personnel militaire en activité, les policiers, les fonctionnaires publics à statut spécial du système pénitentiaire et les aumôniers militaires des institutions de défense, d’ordre public et de sécurité nationale. Il est totalement inacceptable, dans une société démocratique, que les bénéficiaires directs – ceux qui sont concernés – soient privés d’accès au contenu d’un acte normatif qui influe directement sur leurs conditions de travail et leur rémunération. En effet, il est estimé que moins de 5 % des bénéficiaires (policiers et militaires) ont accès aux informations classifiées au niveau « secret », ce qui affecte gravement leur droit à l’information et la prévisibilité de leurs salaires.
I. L’héritage de la secretisation à l’ère communiste
Pendant la période du régime communiste, la secretisation des actes normatifs était une pratique courante, régie par la Loi n° 23/1971 relative à la défense du secret de l’État dans la République socialiste de Roumanie. À l’Article 1, il était stipulé que « la défense du secret de l’État est un devoir patriotique, une obligation d’honneur pour tous les citoyens – ouvriers, paysans, intellectuels et autres catégories de travailleurs – par laquelle ils apportent leur contribution à la défense des conquêtes révolutionnaires du peuple roumain, ainsi qu’à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de notre État. » L’Article 2 définissait les secrets de l’État comme les informations, données et documents présentant manifestement le caractère de secret, tandis que l’Article 4 prévoyait que les informations qui ne constituent pas des secrets de l’État mais qui ne sont pas destinées à être rendues publiques étaient classées comme « secrets de service ». Essentiellement, les décisions relatives à la classification des informations étaient prises de manière subjective, à la discrétion de ceux qui détenaient le pouvoir, sans critères clairs ni application d’un test de proportionnalité.
II. L’évolution post-communiste et le cadre juridique actuel
Après la chute du régime communiste, il est devenu nécessaire de revoir les pratiques de secretisation. La Loi n° 182/2002 a introduit la condition de l’existence d’un préjudice concret pour la classification des informations, sans toutefois établir de critères précis ni faire explicitement référence au test de proportionnalité prévu à l’Article 53 de la Constitution, qui impose que toute restriction d’un droit soit nécessaire, proportionnée et non discriminatoire. Dans ce contexte, la Loi-cadre n° 153/2017 relative à la rémunération du personnel payé sur fonds publics, à l’Article 6, point g), établit « le principe de la transparence du mécanisme de détermination des droits salariaux, afin d’assurer la prévisibilité salariale pour le personnel du secteur public. » Cependant, la secretisation imposée par la Décision gouvernementale n° 0610/2017 contredit directement ce principe fondamental, car le personnel concerné ne peut consulter et comprendre les règles qui régissent leurs salaires.
La Décision gouvernementale n° 0610/2017 a été émise en tant qu’acte normatif de haut niveau, en vertu de l’Article 5 alinéa (3) et de l’Article 27 de l’Annexe VI de la Loi-cadre n° 153/2017, et réglemente la détermination des grades militaires et professionnels, les coefficients et les grilles de rémunération. Cette décision a remplacé des actes normatifs antérieurs – tels que la Décision gouvernementale n° 0292/2011, la Décision gouvernementale n° 0154/2010, la Décision gouvernementale n° 0663/1999 et la Décision gouvernementale n° 070/2004 – et s’inscrit dans une tradition de secretisation qui, depuis l’ère communiste, est utilisée pour protéger certaines réglementations internes, bien qu’elles aient un impact direct sur les droits salariaux du personnel.
Par ailleurs, l’Ordre MAI n° S/7/31.01.2018, émis pour approuver les normes méthodologiques concernant l’application des dispositions légales relatives à la rémunération du personnel militaire, des policiers et du personnel civil du Ministère de l’Intérieur, a également été publié en tant que document classifié. Cet ordre a été élaboré en application des actes normatifs de haut niveau – à savoir, la Loi-cadre n° 153/2017 et la Décision gouvernementale n° 0610/2017 – et perpétue ainsi la pratique de secretisation qui limite l’accès aux informations essentielles pour les bénéficiaires.
III. Une pratique isolée ? Aucune exception de ce type n’existe dans les pays européens démocratiques
Il n’existe aucun exemple dans les États européens démocratiques où les bénéficiaires – ceux directement soumis aux normes régissant leurs conditions salariales – se voient refuser l’accès au contenu des actes normatifs qui influencent leur vie professionnelle. La secretisation de la Décision gouvernementale n° 0610/2017 ne peut être justifiée en invoquant un intérêt « public supérieur », car l’intérêt public repose fondamentalement sur la transparence et l’accessibilité, des valeurs essentielles dans une société démocratique. En gardant cet acte secret, on crée un précédent dangereux qui mine les principes fondamentaux de l’État de droit et affecte gravement le moral ainsi que l’efficacité du personnel de défense et de maintien de l’ordre.
IV. Violation des principes de transparence et d’accessibilité
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) stipule que, pour être considérée comme « loi » au sens matériel, une norme doit être accessible et prévisible pour ses destinataires. Dans l’affaire Sunday Times contre le Royaume-Uni, la CEDH a souligné la nécessité pour le citoyen, aidé d’un conseil juridique adéquat, de pouvoir prévoir les conséquences d’un acte normatif. La secretisation de la Décision gouvernementale n° 0610/2017 viole manifestement ce principe, puisque la grande majorité des bénéficiaires ne peut consulter le contenu de la norme, compromettant ainsi leur droit à l’information et la prévisibilité de leur rémunération.
De surcroît, moins de 5 % des policiers et des militaires ont accès aux informations classifiées au niveau « secret », ce qui met en lumière un écart flagrant entre l’intérêt public – qui exige des normes claires et accessibles – et la pratique actuelle de secretisation. Cette inaccessibilité compromet également le principe de transparence du mécanisme de détermination des droits salariaux, tel que prévu par l’Article 6, point g), de la Loi-cadre n° 153/2017.
V. Conclusion
La secretisation de la Décision gouvernementale n° 0610/2017 et des actes normatifs qui lui sont associés constitue une pratique inacceptable et obsolète, avec des racines profondes remontant à l’ère communiste. Cette approche viole non seulement le droit à l’information et les principes démocratiques de transparence et de responsabilité, mais affecte également directement la prévisibilité salariale des personnes dont la vie professionnelle est régie par ces normes. Dans une société démocratique moderne, il est inconcevable qu’un « intérêt public supérieur » puisse justifier le fait que les bénéficiaires – ceux directement concernés par les réglementations relatives à la rémunération – soient privés d’accès au contenu des actes normatifs qui les impactent.
Il est impératif que les autorités réexaminent avec la plus grande rigueur les critères de classification de ces actes normatifs et garantissent un accès complet à l’information, éliminant ainsi tout écart entre l’intérêt public et la pratique actuelle de secretisation. Ce n’est qu’à travers une transparence totale que l’on pourra rétablir la confiance dans les institutions de défense et de maintien de l’ordre, et assurer le respect des droits fondamentaux du personnel concerné.
Cet article de position critique appelle à une réévaluation approfondie de la politique de secretisation, soulignant la nécessité absolue d’un accès complet et prévisible aux normes régissant des aspects essentiels des conditions de travail, conformément aux principes d’un État de droit moderne et démocratique.
VITALIE JOSANU
Président, Syndicat des policiers de Roumanie « Diamantul »